Petite fille
Petite fille, tu geins. Seule, allongée là, entourée d’adultes. Tu es triste, petite fille, tu pleures. Ta douleur est grande, et ton mal petit. Tu souffres atrocement de ta solitude. Tu es là seule, au milieu de ces gens. Et personne ne fait attention à toi, personne. Tous défilent, tous passent, se préoccupant d’autre chose, de fermer la maison, l’eau. De se coucher, de dormir. Tous pensent à eux, petite fille, personne ne pense à toi. Tu es seule à comprendre ta peine, seule à ne penser qu’à toi et pas à eux. Personne ne comprend ta douleur, tous se soucient des leurs, petite fille, sauf toi. Tu es irrité, vexée par tous ces êtres qui te rejettent, et des larmes de rage coulent sur tes joues, et des larmes de tristesse roulent sur les cendres de ta joie.
Tes poings se serrent sur les draps blancs, et ta tête s’enfouit dans l’oreiller. Tu pourrais étouffer qu’ils n’y feraient pas attention. Tu as mal, horriblement mal. La colère te monte, et ta gorge se noue douloureusement, tirant la peau, étouffant les pleurs. Tu ne veux plus les voir, ces aveugles.
La lumière décroît, l’obscurité se fait. Nul ne peut te voir, tu ne peux voir personne. Au milieu de toi s’étirent les ténèbres, un grand voile noir tiré sur tes peines et tes chagrins. Seules te restent la peur et la rancœur. Tu as peur, petite fille. Des bruits viennent en écho du dehors. Qui est-ce ?
De l’intérieur. Tu frémis. C’est un monstre.
Non, petite fille, personne ne te veut de mal. L’un de ces ignorants ronfle paisiblement, faisant peu de cas de ton malheur.
C’est plus que tu ne peux en supporter, et des larmes de rages se remettent à couler sur tes joues encore humides. La peur s’y mêle, et tes yeux s’écarquillent dans le noir, espérant voir, découvrir l’une des chimères qui te hantent.
Tu les vois, petite fille les fantômes de ta conscience. Ils tournent et virevoltent autour de toi, ils t’apaisent. Des ombres fugitives, des sensations colorées, des amis issus de tes yeux rougis par la colère, la peur et la tristesse. De gros points blancs, des taches bleues qui se meuvent avec agilité dans la pénombre, qui te calment de leurs sourires compréhensifs.
Eux t’écoutent, petite fille. Ces spectres de ta conscience, ces esprits de ta pensée. Eux, au moins, tu peux leur parler. Ils te comprendront, petite fille, ils connaissent tes maux, et reconnaîtront ta douleur immense, ne se contentant pas, comme les adultes, de t’ignorer. Ils savent que tu as mal, ils savent que tu souffre. Ils reconnaissent que les adultes sont des idiots, ils comprennent ta douleur, adhèrent à ta colère, et partagent tes craintes.
Tu peux tout leur dire, te confier à eux sans retenue. Cela te calmera, petite fille. Cela apaisera ta colère et atténuera ta peine. Ils savent qui tu es, et ne te prennent pas à la légère. Ils savent combien importants sont tes mots, et n’ignorent pas la manière de les guérir. Ils sont le reflet de ton humilité, et de ta compréhension. Ils sont le remède à ton égoïsme inconscient, à ton état d’enfant.
C’est ton âme adulte, petite fille, ne la néglige pas. Tu peux te répandre en larmes, et t’éplorer d’une broutille, mais n’oublie pas de te ressaisir, et de faire la part des choses.
Tu reproches aux adultes de t’ignorer, et de ne pas te prendre au sérieux. Tu as les yeux clos, je puis te le confier, ils savent combien ce qui c’est passé te pèse gros sur ton petit cœur de fillette, mais ils savent que c’est en n’y prenant attention qu’ils t’apprendront à grandir.
Retiens cela, fillette, et tu auras vaincu tes démons, tes colères et tes peines grâce à des fantômes, des tâches colorées.