Livre et compagnie : la passion du livre
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 Soledad

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Localisation : en plein rêve de cape et d'épée
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MessageSujet: Soledad   Soledad EmptyVen 20 Jan à 19:17

Mon professeur d'histoire nous a demandé, dans le cadre de la rencontre avec Jean Molla, d'écrire une histoire sur la vie d'un ou d'une juive en Europe durant la seconde guerre mondiale. Ayant terminé ce projet, j'ai décidé de vous en faire part... A vous de me dire si il vous plait !


Vous qui vivez en toute quiétude. Bien au chaud dans vos maisons, loin des avions cracheurs de bombes, des fusillades, de la destruction. Loin des morts, du sang, de la souffrance et de la misère. Loin d’un monde qu’on voudrait oublier, mais qui reste ancré au plus profond de nous. Loin de la guerre. Loin des juifs.

Je m’appelle Soledad. Ma mère était française, mon père Allemand de confession juive. Je suis née en Allemagne, et suis partie en France lorsque j’avais cinq ans. J’y ai vécu une grande partie de ma jeunesse. La fin de mon séjour en France ne fut que misère et souffrance au milieu d’un bain de sang.

Cette histoire, si elle débuta véritablement un jour, commença le 22 Juin 1940. C’était un samedi, comme on en voit tous les jours. Un samedi ensoleillé, où j’avais passé l’après midi en compagnie d’Alexis. Lorsque j’avais emménagé en France, il avait été le premier à venir vers moi dans ce pays dont j’ignorais les coutumes. Grâce à ma mère, j’étais parfaitement bilingue, ce qui m’avait permis de communiquer assez facilement. Alexis était ainsi très vite devenu un ami, et même bien plus qu’un ami.
Ce soir là, je lisais paisiblement un livre dans la cuisine, qui s’emplissait peu à peu d’odeurs délicates qui annonçaient un délicieux dîner. Ma mère était la meilleure des cuisinières que j’ai jamais connu. J’entendis soudain un bruit de porte, et avant d’avoir compris ce dont il s’agissait, mon père entrait en trombe dans la cuisine, les joues rouges et les yeux lançant des éclairs.
- Il a signé ! hurla-t-il. Le maréchal Pétain a signé l’armistice avec les Allemands !
Ma mère lâcha sa cuillère de bois et s’affala sur une chaise à côté d’elle. Je couru à son côté pour la serrer dans mes bras. Ma mère avait une santé fragile, et il suffisait d’un rien pour qu’elle se sente mal. Mon père, de son côté, continuait de fulminer.
- Nous lui avons donné notre espoir, et il l’a écrasé sans aucun remord ! fulmina-t-il en frappant la table de son poing.
Il se tut pendant quelques secondes, massant sa main endolorie. Ma mère était devenue toute blanche, et semblait sur le point de s’évanouir. Ses cheveux tirés en un chignon accentuaient la pâleur de ses traits.
- Papa, arrête ! Regarde dans quel état tu as mis maman !
Mon père s’arrêta brusquement, et son regard coléreux se remplit de tendresse. Il s’agenouilla auprès de sa femme, et lui caressa doucement la joue.
- Pardon Marietta… Je me suis laissé emporter. Mais comprends moi ! Voir les Français capituler ainsi me fait mal au cœur…
- Les Français ont déjà perdu la guerre, papa. Mais nous ne nous laisserons pas abattre ainsi, affirmais-je. Nous allons continuer à nous battre, les Allemands ne gagneront pas ! Je suis sûre que Pétain prépare quelque chose. Il fait semblant de collaborer, mais prépare un plan pour retourner la situation.
Mon père sourit devant mon enthousiasme.
- Tu as sans doute raison. Peux-tu venir une minute, Soledad ?
J’acquiesçais et le suivit hors de la cuisine. Il semblait soucieux, et cela ne venait pas de l’armistice.
- Vois tu, Soledad, commença-t-il, les Allemands vont occuper une partie du territoire français. Tours sera elle aussi occupée. Et tu es juive, tout comme moi… Tu dois connaître aussi bien que moi le sort réservé aux juifs… Du moins ce que l’on raconte.
Je compris soudainement où il voulait en venir. Nous étions peut-être en danger en restant chez nous. Je repensai brusquement à Alexis. Mon père voulait partir, et je ne le reverrais plus… Je ne pouvais me résoudre à cette idée.
- Je ne veux pas partir ! m’exclamai-je. Je veux rester avec maman !
- Marietta peut rester ici, elle n’est pas juive. Mais pas toi !
- Nous devrions rester encore quelques temps ici. Pour voir comment la situation évolue… Avec un peu de chance, rien ne nous arrivera.
Mon père me regarda tendrement, et esquissa un pauvre sourire. Oui, c’était peut-être mieux de rester ici. Qui sait, les Français reprendraient-ils le dessus d’ici peu ? La résistance pouvait s’organiser rapidement… Devant mon air convaincu, mon père finit par acquiescer.
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MessageSujet: Re: Soledad   Soledad EmptyVen 20 Jan à 19:18

Les journées continuèrent ainsi. Les Allemands envahirent la France en quelques jours, laissant une partie, la zone libre, gouvernée par le maréchal Pétain. Mon père s’inquiétait. Il avait entendu dire que les juifs étaient déportés on ne savait où, et que personne ne les revoyait. Je tentais tant bien que mal de le rassurer. Mon assurance le déconcertait. A vrai dire, à l’époque, la seule chose qui m’importait était d’être avec Alexis. Nous faisions de grandes balades dans un parc situé près de la maison. Nous nous promenions à l’ombre des grands arbres, en discutant parfois. La seule présence de l’autre nous suffisait.
Il y avait dans ce parc un allemand, un membre de la gestapo, qui surveillait les allées et venues des gens. A plusieurs reprises, je l’avais vu nous regarder avec compassion. Je pense qu’il n’avait pas choisi de partir en France, et surveiller ce petit parc.
Alexis et moi profitâmes le plus possible de l’été, partant parfois en ville, ou nous rendant dans la maison de l’autre. Les choses se compliquèrent quand je fus contrainte de porter l’étoile de David. J’étais juive, mais cela ne me différenciait pas des autres. Pourtant, à cause de cette étoile, des inconnus autour de moi me dévisageaient avec méfiance, ou comme une tâche qui salit votre fenêtre à peine nettoyée.
Au bout de quelques jours, ne supportant plus le regard des autres, je finis par rester à la maison. Alexis tenta de me convaincre qu’il n’y avait pas de danger dehors, mais je ne voulais plus sortir. Je n’étais pas un animal. J’étais juive, mais cela ne faisait pas tout.

Mes deux mois de vacances passèrent très vite, mais il fallait se rendre à l’évidence : je devais revenir à l’école, affronter le comportement de mes camarades. Alexis tentait de me rassurer en disant qu’ils ne seraient pas comme les adultes. A quinze ans, on est plus indulgent. Mais j’avais tout de même peur. Mon père m’avait proposé d’arrêter les études, et d’attendre un moment plus propice pour continuer. Mais je voulais faire plaisir à maman, qui avait toujours peur pour mon avenir.

La première journée au lycée passa presque normalement. La rentrée des classe était toujours très mouvementée, personne ne faisant attention à personne, s’habituant à sa nouvelle classe, ses nouveaux professeurs. Mais je vis une impression de dégoût sur le visage de certains. Et parfois même de la haine.
Le lendemain fut plus difficile. Alexis n’était pas dans mon lycée, je ne pouvais pas me réfugier dans ses bras quand tout allait mal. Je dus faire face seule.
- Eh, la juive ! Touche pas à ce robinet !
Je me relevais, surprise. Un garçon de mon âge arrivait à toute jambes. Je m’étais penchée pour boire un peu à la fontaine. Juste boire. Et il voulait me l’interdire !
- J’ai soif, dis-je calmement. J’ai le droit de boire.
- Les autres, oui ! Mais pas les juifs ! On devrait interdire aux juifs d’aller au lycée. Vous n’en êtes pas digne.
- Ce n’est pas ma religion qui fait une différence ! Je suis libre de m’instruire, d’aller où je le souhaite, et de boire à cette fontaine ! m’exclamais-je, hors de moi.
- Salle youpin ! Vous êtes tous les mêmes ! Si tu ne veux pas t’en aller, j’appellerai un allemand ! Il te fera embarquer dans un train, comme tous les autres de ta race !
Je restai paralysée. Comment pouvait-on dire des choses pareilles ? Comment pouvait-on être aussi raciste ? Les larmes me montèrent aux yeux en même temps que je m’enfuyais.

Pendant le reste de la journée, je fus sur la défensive. J’avais l’impression que chacun me fixait avec répugnance.
Je ne passai que deux semaines au lycée. La situation allait de mal en pis, et je finis par arrêter les cours. Arrêter de sortir, de voir les autres, avec leurs regards moqueurs, dégoûtés, haineux. Loin des moqueries. Loin des autres.
Ma mère s’inquiéta pour ma santé. Je restais la journée allongée sur mon lit, pleurant toutes les insultes qu’on m’avait faites. Alexis passait me voir, mais même avec lui je ne me sentais pas bien. J’avais mal. Mal au cœur de tout ce qu’on m’avait dit, de tout ce qu’on avait fait.
Je mis plusieurs semaines à sortir de cet état dépressif. Mes parents étaient à mes côtés, et m’épaulaient. Mais je sentais malgré tout que ma mère s’inquiétait. Mon père m’avait dit à plusieurs reprises que des allemands avaient emporté plusieurs familles, emmenés loin de chez eux. Mais je ne voulais pas partir. C’était mon chez-moi, ma maison, là où j’avais vécu la plus grande partie de ma vie. Si je partais, se serait loin d’Alexis, de tous mes proches, de tous ceux que j’avais connu.

Un soir de la mi-novembre, alors que le petit parc était interdit aux juifs, je passai par-dessus la clôture pour ramasser des feuilles. Alexis collectionnait les plus belles, et j’en avais vu une toute particulièrement jolie d’une forme étrange. J’avais vérifié que personne ne me verrait, et ne tardai pas à retourner auprès de mon Alexis qui m’attendait de l’autre côté, le regard rempli d’amour.
Nous restâmes à flâner près de la grille, avant de se quitter, chacun de son côté, pour rentrer à la maison.
La sensation d’être suivie ne se présenta pas tout de suite, mais lorsque, pour la quatrième fois, je tournais dans une rue toujours suivie, je pris peur. Je jetais un œil par-dessus mon épaule, et vit l’allemand qui surveillait le petit parc. Il avait dû me voir passer par-dessus la clôture, et voulait m’arrêter… Apeurée, je m’enfuis à toute jambe, passant dans de petites ruelles que je connaissais bien.
Enfin, les pas cessèrent, et je m’arrêtai. J’avais peur, j’étais épuisée. Je marchai rapidement jusque chez moi, puis repris mon souffle appuyée sur le portail. Soudain, je sentis une main s’abattre sur mon épaule. Je me retournai d’un bloc, terrorisée
- Mademoiselle… Habitez-vous dans cette maison ?
L’allemand du petit parc chuchotait et roulait des yeux en tous sens comme pour s’assurer que personne ne nous voyait.
- Oui… pourquoi ? demandais-je d’une voix tremblotante.
- J’aurais voulu ne pas avoir à vous le dire… Mais vous et votre ami m’avez ému. J’ai fini par vous trouver sympathique, rien qu’en vous regardant, et cela me ferait de la peine…
Voyant mon regard interrogateur, il continua plus bas encore.
- Vous ne comprenez pas mademoiselle ? C’est votre tour ! La Gestapo va venir fouiller votre maison demain ! Vous devez fuir le plus vite possible !
Je restai sans voix. Cet allemand me prévenait. Pourquoi ? Je ne le sus jamais. Il s’était enfui avant que je ne puisse faire un geste.

Je rentrai chez moi en trombe et parlai à mon père. Il était inquiet, mais presque heureux de pouvoir s’enfuir enfin. Depuis plusieurs semaines, il avait un plan pour assurer notre retraite soudaine au cas où. Il avait attendu que je sois prête, et même si je ne l’étais pas, nous devions fuir.
- Prépare tes affaires, nous partons ce soir. Je préviens ta mère…
Je filai dans ma chambre, et attrapai un sac. Je n’avais pas beaucoup d’habits ; surtout des cadeaux et des souvenirs d’Alexis.
Alexis… il fallait que je le quitte sans un au revoir ? Ce n’était pas possible. Si nous fuyions, il devait savoir où j’allais. Je décidai de demander à mon père quelle était notre destination avant d’écrire un petit mot à Alexis.
J’entendis à travers le mur de ma chambre la conversation entre mon père et ma mère. Il semblait prendre toutes les précautions possibles pour ne pas l’inquiéter, la rassurer. Pour ne pas qu’elle ai peur et retombe malade.
- Nous allons partir ce soir, chez ma sœur Martine, disait mon père.
- Ce soir ? Es-ce si urgent ? Et pourquoi ne m’as-tu pas prévenue avant ?
- Je ne voulais pas attirer l’attention. En partant ce soir, de nuit, alors que nous ne paraissons pas prêt à partir, n’est-ce pas le moment idéal ?
- Oui, c’est vrai… Mais es-tu sûr de ce que nous faisons ?
- Bien sur, Marietta. Nous irons chez ma sœur quelques jours. Elle habite près de la ligne de démarcation, et connais des passeurs… Ils nous donneront des papiers pour aller en Espagne quelques temps. Jusqu’à ce qu’en France, cette guerre se calme.
- En Espagne ? demanda ma mère. Je ne connais pas la langue… Ne vaudrait-il mieux pas rester dans la zone libre ? Le maréchal Pétain dirige cette zone, nous sommes en sécurité là-bas !
- Ecoutes, Marietta… je préfèrerais vraiment que nous allions en Espagne. Ce n’est que pour quelques mois, pas plus ! Après, nous reviendrons chez nous, dans cette maison, comme s’il ne s’était rien passé.
J’entendis ma mère soupirer. Sans doute avait-elle sourit à mon père, comme toujours lorsqu’elle comprenait qu’il n’en démordrait pas. Nous allions donc en Espagne… J’attrapais un stylo et une feuille blanche, et écrit ces quelques mots :

Cher Alexis,
Je m’en veux de ne pas pouvoir te prévenir de vive voix. Je m’en vais vers un Soleil d’ailleurs, loin de tout ce qui se passe ici. Je ne sais pas s’il y aura de petits parcs comme celui que nous fréquentions derrière les montagnes, mais j’y serais sans doute mieux.
Je t’aime,
Soledad

Je me relus, espérant qu’il comprendrait. Je ne pouvais pas lui dire où j’allais, de peur qu’un allemand intercepte cette lettre… Je glissai la feuille dans une enveloppe, la timbrai, saisit mon sac et sortit de ma chambre.

La nuit était noire, sans lune, lorsque nous sortîmes. Mon père avait prévenu sa soeur de notre venue juste après avoir parlé à maman, et son mari était venu nous chercher avec sa voiture. Je pris soin de déposer la lettre pour Alexis, puis notre voyage débuta. La voiture secouait agréablement, et il était bien tard. Quelques minutes plus tard, je m’endormis.

Lorsque je m’éveillai, la voiture roulait sur une petite route de campagne bosselée. La lune avait presque disparu, mais le soleil ne la remplacerait pas tout de suite en ce mois de novembre.
Entassés dans la voiture, mon père restait éveillé à l’avant. A ma droite, ma mère dormait profondément.
- Nous sommes bientôt arrivés ? demandais-je à mon père.
- Il nous reste un quart d’heure de route, pas plus… J’espère qu’on ne nous a pas vu, mais nous n’avons croisé personne depuis plus d’une heure.
- Sur ces routes de campagnes, il est difficile de rencontrer quelqu’un… bougonnais-je, le dos endoloris pas les cahots.
J’étais née en ville, et y avais toujours vécu. J’avais très rarement été à la campagne, et n’appréciais pas vraiment l’odeur qui s’en dégageait. C’était un monde à part pour moi.
Je restais silencieuse, regardant la route qui s’étirait à perte de vue. Au premier carrefour, mon oncle vira vers la gauche brusquement sur une petite route encore moins carrossable que les autres.
Après quelques minutes, nous entrâmes enfin dans un petit village d’une dizaine de foyers. Mon oncle s’arrêta devant l’une des masures. C’était une petite maison de campagne, entourée d’un grand champ qui n’était plus cultivé à cette période de l’année. Une petite bonne femme ronde aux cheveux gris sortit sur le perron, et agita les bras pour nous inviter à entrer. Je m’extirpai du véhicule avec plaisir, et suivit mon oncle, tandis que mon père réveillait ma mère et prenait les bagages.
- Je suis si heureuse que vous veniez me rendre visite ! s’exclama ma tante en me serrant chaleureusement dans ses bras dodus.
C’était la sœur de mon père, qui avait quitté l’Allemagne pour suivre celui qu’elle aimait, et s’était établi dans cette ferme en France. Elle ne ressemblait pas à mon père, grand, mince, aux cheveux châtains, et à la moustache frémissante. Ma tante était petite, avec de bonnes joues, et un rire gras.
Mon oncle était grand comme mon père, mais pourvu d’un humour que peu appréciaient. C’était en partie pour cela que nous ne rencontrions pas souvent mon oncle et ma tante.
Mon père salua d’un signe de tête sa sœur et son beau frère, et partit déposer les valises. Je sentais que notre séjour là-bas ne serait pas une partie de plaisir.

Nous restâmes cinq jours chez ma tante, le temps de rencontrer les passeurs, de leur demander des faux papiers pour toute la famille, et de s’assurer que tout allait bien marcher. Ils nous emmèneraient à travers des chemins de campagne pour nous faire passer la ligne de démarcation. Ensuite, mon père avait décidé de prendre un car pour Limoges, puis voyager en train jusqu’à Toulouse, et rejoindre ainsi la frontière espagnole.
A la maison, la tension montait de jours en jours. Mon père ne pouvait supporter mon oncle, et ma mère se sentait mal dès qu’une dispute éclatait. Ma tante essayait de résonner son mari et son frère, et moi, je me languissais d’Alexis. Il me semblait si lointain ! Pourtant, nous n’étions qu’à quelques heures de route, mais il me manquait terriblement.

La veille de notre départ, mon père et mon oncle se fâchèrent encore plus fort. Je frémissais dans la chambre que l’on m’avait donnée pour quelques jours. Tous deux hurlaient à qui mieux mieux. J’entendis mon oncle menacer papa de nous dénoncer. Il en était capable. Et si jamais il le faisait, nous étions perdu.
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MessageSujet: Re: Soledad   Soledad EmptyVen 20 Jan à 19:18

Nous sommes partis à l’aube, le lendemain de cet incident, sur un chemin de campagne avec les passeurs. Nous transportions nos valises avec nous, et les suivions docilement. L’un était grand et basané, du nom de Paul. Un autre, plus petit, mais de forte ossature, appelé Gabriel.
Ils nous entraînèrent sur les petites routes, où nous marchions rapidement, espérant passer inaperçu.
La journée se déroula rapidement. Nous n’avancions pas aussi vite qu’en voiture, mais personne ne nous vit. Nous fîmes une courte pause pour manger, puis repartîmes.
Le soleil frappait plus fort que d’habitude, mais sa présence ne réchauffait que notre peau. J’avais constamment peur, et semblais sur le point de défaillir à tout instant. Ma mère trottinait à côté de moi, blafarde. Seul mon père semblait sûr de lui, marchant d’un pas rapide et assuré.
Alors que nous arrivions à proximité d’un village, nous entendîmes des hommes nous interpeller. Des voix brutales, autoritaires, qui nous sommaient de nous arrêter. Je connaissais l’allemand, c’est ainsi que je compris. La police allemande était là, à quelques pas derrière nous, l’arme à la main. La panique fut générale. Les passeurs détalèrent, ma mère trébucha, mon père traîna son lourd sac aussi vite qu’il le pu, et moi, je restais pétrifiée, incapable de bouger.
- Cours, Soledad ! s’exclama Paul en se retournant.
- Soledad ! Viens ! hurla mon père.
Il revint vers moi et m’attrapa le bras, me forçant à le suivre. Il m’entraîna à sa suite, courant aussi vite qu’il le pouvait. J’entendis une première rafale de balles, et cela me donna des ailes. Je partis en courant, mes pieds ne touchaient plus le sol. Il fallait atteindre les fermes, c’était tout ce qui comptait. Une seconde rafale de balles me fit accélérer encore. Je dépassai ma mère, puis les deux passeurs, et me glissai enfin entre deux granges. Je me tins les côtes, incapable de respirer. J’haletais, rien de plus. Je m’assis dans la poussière, exténuée, attendant les autres. Soudain, j’entendis une troisième rafale, suivit du cri. C’était la voix de mon père.
- Hans ! HANS ! hurla ma mère.
Mon cœur se serra, et les larmes me montèrent aux yeux. J’entendis des bruits de cavalcade, des voix. L’un des passeurs supplia ma mère de laisser mon père, qu’elle ne pouvait plus rien pour lui. Qu’on viendrait le chercher plus tard, mais qu’il fallait partir. Je crus que j’allais vomir. Gabriel et Paul surgirent enfin, soutenant ma mère, plus livide que jamais. Du sang coulait de son bras.
-Il faut atteindre le bunker, vite ! s’exclama Gabriel en me poussant en avant.
Il lâcha le bras de ma mère, et se glissa dans la grange la plus proche. Elle était remplie de foin, mais si nous nous y cachions, les allemands nous trouveraient. J’ignorais ce qu’était un bunker, mais je ne pouvais plus réfléchir. Je m’affalai sur une botte de foin, sans force. Paul avait assi ma mère, tandis que Gabriel repoussait la paille qui obstruait le mur du fond. J’entendais les allemands courir. Ils seraient là dans quelques secondes.
- Passez par là ! s’exclama Gabriel.
Il avait arraché des planches de bois pour que l’on puisse passer sous le mur. Je m’engageai la première dans le passage, et me retrouvai dans une pièce exiguë, tapissée de foin. Ma mère me rejoignit bientôt, suivit des deux passeurs.
- Hans… Hans… répétait ma mère inlassablement au milieu de ses larmes.
Je me serrais contre ma mère, plus pour partager notre chagrin que pour la rassurer. Je n’avais pas eu la force d’aller voir ce qui s’était passé, mais je n’avais pas de doute. Les allemands avaient tué mon père.
A quelques mètres de nous, Gabriel soignait Paul, qui avait reçut une balle dans l’épaule. Lorsqu’il eut fini, l’homme s’approcha de moi, et m’examina pour s’assurer que je n’avais rien. Une balle m’avait frôlé la jambe, déchirant un morceau de mon pantalon. Le sang coulait, mais ce n’était que superficiel.
Il soigna ensuite le bras de maman, pendant que je farfouillais dans nos sacs et me roulais dans une couverture. Je tremblais. J’avais froid, peur, et le cœur au bord des lèvres. Plus d’une fois, je crus que j’allais vomir.

Les passeurs nous donnèrent à manger, mais j’étais incapable de me nourrir. Mon cœur était à la fois mort et rempli de haine. Je somnolais tout en écoutant les allemands. Je les entendais parler, marcher autour des fermes. Et si, après avoir cherché partout, en vain, ils décidaient de brûler les fermes ? Je tremblais à cette idée. Mais je ne pouvais qu’attendre interminablement, regardant les secondes s’égrener comme si elles duraient des siècles.
La nuit tomba, et les allemands partirent. Ils n’avaient rien trouvé, et n’incendièrent pas la ferme comme je le craignais. Les deux passeurs nous recommandèrent de dormir pour reprendre des forces ; mais je n’y parvenais pas. Je me retournais sans cesse, ne parvenant pas à trouver le sommeil. Et lorsque enfin je m’endormis, je fus hantée par des cauchemars d’allemands, de balles et de sang.

Le lendemain matin, je me sentais affaiblie. J’avais du mal à rester debout, et, bien que mon ventre criait famine, je ne pus avaler qu’une petite tranche de pain.
Nous retournâmes sur la route, déserte. La Gestapo n’était pas revenue. Il n’y avait qu’une forme sombre, allongée par terre, baignant dans son sang. Je ne pus m’empêcher d’avoir la nausée, et courut dans la grange pour vomir, et ne plus voir le cadavre de mon père.
Nous ne pouvions pas enterrer mon père, par manque de temps et de matériel. Ma mère décida de brûler son corps pour que plus aucun allemand ne puisse lui faire du mal. Je me forçai à regarder, mais faillit partir à toute jambes. J’avais mal au cœur.
Nous repartîmes peut après, le cœur lourd. Poursuivant notre marche sur des sentiers de campagne, je me demandais pourquoi je continuais à vivre. La guerre n’était que souffrance. Il valait sans doute mieux que je meurs. Après tout, les boches seraient contents : il y aurait une juive de moins sur terre. Mais ils ne le sauraient sans doute pas. Tout le monde s’en ficherait.
Tout le monde ? Non. Pas ma mère. Elle avait besoin de moi. Mon père était mort, son Hans qu’elle aimait tant. Je devais être forte pour elle. Et pour Alexis. Si je mourrais sans qu’il le sache, il pourrait penser que j’étais toujours en vie, mais que nous ne nous étions jamais retrouvés. Non. Je devais être forte pour eux.
Sur ces pensées, je pris ma mère par la main, comme elle le faisait lorsque j’étais petite, pour me rassurer. Elle me sourit tristement au milieu de ses larmes, et continua à marcher à côté de moi, sans faiblir.

Nous marchâmes longtemps, avant d’arriver en ville. Là, les passeurs nous laissèrent. Ils devaient rentrer chez eux.
J’achetai des billets pour maman et moi afin de nous rendre à Limoges en autobus. Il nous restait assez d’argent pour continuer le voyage jusqu’en Espagne et y vivre quelques semaines sans travailler.
Le voyage se déroula sans embûches, et même lorsqu’un policier français monta pour vérifier nos papiers, il ne trouva rien d’anormal et continua son travail.

Arrivées à Limoges, nous louâmes une chambre d’hôtel pour une nuit, puis repartîmes. Nous devions prendre le train vers Toulouse, puis passer la frontière. Mais je m’inquiétais pour la santé de ma mère, qui s’aggravait de jours en jours. Elle toussait, avait du mal à marcher longtemps. Mais il nous fallais atteindre la frontière coûte que coûte.

Lorsque nous dûmes prendre le train, ma mère refusa de monter. Elle savait que c’était dans un train qu’on emportait les juifs pour ne plus jamais les revoir. Je lui assurai que c’était un vrai train, pour passagers, et qu’il y avait des allemands et des français dedans. Les juifs, on les emmenait dans des trains pour bestiaux. Je l’obligeai à monter avec moi, en tirant de toutes mes forces sur son petit corps maigre et malade. Enfin, elle se résigna à me suivre, et s’installa à côté de moi.
- Ne t’inquiète pas, maman. Ce train nous emmène jusqu’à Toulouse. Dans deux jours au plus, nous serons en Espagne. Là-bas, nous serons sauvées.

En quelques heures, je réfléchis gravement sur notre situation. Sans mon père, ne connaissant pas l’espagnol, j’aurais des difficultés si je me rendais en Espagne tout de suite. Il valait sans doute mieux soigner maman en France avant de passer la frontière. D’un autre côté, j’avais toujours peur d’être découverte, emprisonnée, envoyée dans un camp. Mais il était plus sage de rester en France quelques jours de plus. Il suffisait de s’approcher le plus près de la frontière, pour se rabattre rapidement au cas où. Je connaissais une ville du nom d’Argelès… pourquoi ne pas s’y rendre ?
Durant le voyage, j’écrivis à Alexis. Je ne savais pas s’il habitait toujours à Tours, ou s’il était partit. Le temps était passé terriblement lentement, et pourtant, cela ne faisait qu’une semaine que nous étions partis. Peut-être en aimait-il une autre à présent…A moins qu’on ait bombardé sa maison, ou que des Allemands l’ait emporté pour n’importe quelle raison… Après tout, il avait fréquenté une juive ! Mais mes peurs n’étaient pas fondées. Pourquoi des Allemands s’en prendraient à lui ?

Cher Alexis,
J’espère que tu vas bien. Comment va ta famille ? Comment se déroule la vie à Tours ? Mon père a eu un problème pendant le voyage, et ma mère affirme qu’Argelès est une ville convenable. Nous nous retrouverons peut-être derrière les montagnes.
Adieu,
Soledad, qui t’aime.

Je postai la lettre dès que nous descendîmes du train. Je ne savais pas si Alexis comprendrait. Et même s’il comprenait, il ne viendrait pas forcément jusqu’à Argelès rien que pour moi…
Je séjournai une nuit avec ma mère à Toulouse, avant de nous en aller de nouveau. Nous prîmes un taxi pour nous rendre à Argelès. Il nous fallut quelques heures, avant d’être enfin arrivées. Maman et moi prîmes une chambre d’hôtel avec l’argent qu’il nous restait.

A Argelès, la santé de ma mère empira encore. Elle ne se sentait plus en sécurité, sursautait au moindre bruit, et pensait que les allemands allaient arriver d’une minute à l’autre ; ou même pire : que les voisins nous dénonceraient, et qu’un français nous emmènerait dans un train.
Je n’avais plus confiance en personne. J’avais l’impression qu’ici plus qu’ailleurs nous étions en danger. Et depuis la mort de mon père, je me demandais si mon oncle n’avait pas fini par nous dénoncer.

Cinq jours après notre arrivée, je reçus une lettre d’Alexis. Je ne sais comment il avait trouvé mon adresse, mais c’était bien lui. C’était son écriture droite et fine, telle que je l’aimais.
Le message disait ceci :

Ne bouges pas, je viens. Alexis.

Il n’y avait rien d’autre. La lettre était brève, mais concrète. Il venait ! Je n’en revenais pas. Mais je devais partir. Ma mère avait besoin d’être soignée dans un hôpital, et je voulais l’emmener avec moi en Espagne. J’avais attendu que sa santé s’améliore par un miracle, et à présent qu’elle était à peu près stable, il fallait partir. Mais si je quittais Argelès, Alexis ne me retrouverait peut-être jamais.

J’attendis deux jours de plus, puis un troisième qui s’éternisa. Je savais qu’il ne pouvait pas venir en un claquement de doigt, mais ma mère était au lit depuis deux jours, incapable de se lever, pâle comme un fantôme. Elle avait de la fièvre, et répétait constamment dans son sommeil : Hans ! Oh, Hans ! Et je ne pouvais rien faire pour la calmer.
Le quatrième jour, je décidais de m’en aller pour de bon. Je rassemblai nos affaires en quelques minutes, pris des provisions, commandai un taxi. Lorsque j’eus fini, je revins au chevet de ma mère, et lui demandai de s’habiller. Je refermais la porte de la chambre quand j’entendis quelqu’un frapper à la porte. La première chose qui me vint à l’esprit fut qu’on nous avait dénoncé. Un policier devait attendre derrière cette porte, prêt à m’envoyer dans un train, à mourir impitoyablement. Mais non, nous avions des papiers, tout était en règle. Nous étions devenus une bonne famille française, comme toutes les autres.
Les coups se firent plus insistants. Je gagnai la porte, et ouvris d’un geste, prête à affronter mon destin. Et là, comme dans un rêve, je vis Alexis, mon Alexis, qui se tenait dans l’encadrement de la porte. Lorsque je le vis, j’éclatai en sanglots et sautai dans ses bras. Enfin ! Il était enfin là ! Je l’embrassai, le serrai dans mes bras, comme pour m’assurer qu’il était bien vrai, vivant, devant moi. Il répétait mon nom, glissait ses doigts dans mes cheveux, me serrait très fort pour que je ne parte pas, pour que nous ne soyons plus séparés.
Après quelques minutes, nous nous séparâmes enfin, les yeux humides de larmes.
- Qu’est-il arrivé à ton père ? me demanda Alexis, inquiet.
- Il… il est mort. Je… je t’expliquerais plus tard, marmonnais-je, les yeux à nouveaux remplis de larmes. Je dois partir en Espagne avec ma mère. Elle est malade, tu comprends…
- Je viens avec vous. Je ne veux plus me séparer de toi, maintenant que nous nous sommes retrouvés.
- Mais tu n’as pas de papiers ! m’exclamais-je.
- J’en ai fait faire. Pour passer la ligne de démarcation, j’avais trouvé un travail dans le sud. J’allais partir quand j’ai reçus ta lettre… Crois moi, tu as eu de la chance. Un jour de plus et je ne serai pas venu. Mais quand tout ça sera fini, quand la guerre sera passée, quand les français auront gagné une bonne fois pour toutes, nous retournerons en France. Ensemble. Je te le promets.
Je le regardai, et lui sourit. Peut-être du plus beau sourire que je pus faire. Un sourire rempli d’espoir, de vie, de futur. Un sourire au-delà de la guerre.
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Soledad
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